dimanche 23 novembre 2025

Témoignage de l’association « Entraide et Solidarité AF 447 ». 12 novembre 2025. Cour d’appel de Paris.

 

Par Madame Danièle LAMY
 
 

Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs de la cour, Mesdames et Messieurs les avocats, Mesdames et Messieurs.

A la suite de la tragédie du vol AF 447, survenue dans la nuit du 31 mai au 1er juin 2009, un drame humain et collectif sans précédent a bouleversé des centaines de familles à travers le monde.

Face à l’immensité de la douleur, à la complexité des démarches administratives et judiciaires, mais aussi à la nécessité de préserver la mémoire des victimes est née en septembre 2009 l’association « Entraide et solidarité AF 447 ».

Dès les premiers jours, l’association s’est engagée sans relâche pour fédérer les familles, les soutenir moralement et les accompagner dans leurs démarches.

 Portée par une profonde empathie et un sens aigu de la justice, l’association prendra, au fil du temps, une dimension humaine et solidaire.

Aujourd’hui encore, elle poursuit ce travail de mémoire et de soutien, rappelant que derrière chaque nom, il y a une vie, une famille, une histoire.

Elle se rapprochera d’autres associations étrangères, brésilienne, italienne, et surtout allemande, Hiop, avec qui elle nouera une relation permanente constructive.

C’est avec beaucoup de tristesse que j’évoque aujourd’hui la disparition de Mme Barbara Crowlow, vice-présidente de Hiop décédée quelques mois à peine après le procès de 2022.

Solidairement, régulièrement, nous poursuivons jusqu’à ce jour avec M. Gans président de Hiop, notre travail d’enquête pour qu’on n’oublie pas, pour que justice soit rendue et qu’aucune famille ne reste sans réponse.

Sa détermination à la recherche de la seule réponse qui vaille soutient son action durant ces 16 années d’interminables vicissitudes procédurales et expertises souvent discordantes.

« Comment une telle tragédie a-t-elle pu se produire et pourquoi n’a-t-elle pas été évitée ? »

Pour cet objectif inaccessible aux yeux de beaucoup, l’association s’est armée de solides moyens :

En premier lieu :

Ø Un collectif de 4 cabinets d’avocats pour défendre les familles en justice pour le civil et le pénal. En particulier Maîtres Jakubowicz, et Busy qui n’ont ménagé ni leur peine ni leur disponibilité depuis 16 années, l’association leur en est infiniment reconnaissante.

En second lieu :

Ø Avec Laurent Lamy, administrateur, un collège de conseillers techniques d’une très haute compétence aéronautique et informatique, sera constitué.

Ces techniciens bénévoles, pilote de chasse, pilote de ligne, ingénieur informatique, dont certains nous accompagnent fidèlement depuis 2009 ont apporté l’argumentation suffisante et nécessaire à la constitution d’un dossier authentique à charge contre les sociétés Air France et Airbus. En outre, en cette dernière année de préparation du procès, un blog interactif de 40 articles rédigés par nos conseillers a été mis en ligne sur le site de l’association avec succès pour éclairer les familles sur l’accident.

Et enfin :

Ø Un Conseil d’Administration réactif, loyal, investi gère l’association, animé par une détermination sans faille.

Entre autres contraintes administratives, l’association a suivi scrupuleusement les recherches en mer dont il reste à nos yeux une troublante interrogation :

« Pourquoi les sondes Pitot n’ont-elles pas été remontées ? »

A cette question le directeur du BEA a répondu : « je pense que ça n’apportait rien à l’enquête. » 

L’arme du crime devait-elle donc restée au fond de l’océan ? 

S’ajoutera dans les semaines qui suivirent, la froide identification des victimes retrouvées, révélée publiquement dans une communication des plus désastreuses où on aurait aimé y sentir une parcelle d’humanité.

L’association ne cèdera pas à l’adversité.

Fidèle à notre devoir de mémoire, elle suit pas à pas l’enquête judiciaire pour qu’aucune piste d’investigation ne soit oubliée, pour qu’aucune ombre ne vienne ternir le sacrifice des 228 victimes et qu’une amnésie institutionnelle ne s’abatte sur les responsabilités.

Elle ne se résignera pas non plus, à la décision de non-lieu prononcée dans son ordonnance le 29 août 2019 par le nouveau juge d'instruction dont on peut douter de l’impartialité.

Elle refuse une telle imposture ; nos avocats font appel et déposent un mémoire argumenté.

En ma qualité de Présidente de l’association, j’ai été autorisée par le juge Halphen lors de l’audience du 4 mars 2021 à présenter les attentes des familles et écoutée avec bienveillance. 

Conformément à nos espoirs, la Chambre de l'Instruction de la Cour d'appel de Paris dans son arrêt du 12 mai 2021 renvoie les société Airbus et Air France au tribunal correctionnel de Paris.

L’association reprend confiance dans la justice. Le procès se tiendra à l’automne 2022.

Cependant, cette confiance que nous entretenions pour une issue favorable sera anéantie par la décision du tribunal déclarant responsables mais non coupables les prévenus et par conséquent une décision de relaxe.

 Sidération, incompréhension des familles, colère,

Monsieur Badinter déclarait :

« La justice est l’essence même de la société, elle doit être impartiale et équitable  

Où était, la justice ce jour-là ? 

Quelques jours plus tard, nos avocats, ont réussi à convaincre le Parquet Général d’interjeter appel du jugement rendu, décision exceptionnelle dans les annales judiciaires, alors que le Parquet avait requis la relaxe.

Ils ont permis la tenue d’un nouveau procès.

Qui s’ouvre aujourd’hui, là où nous sommes, dans la prestigieuse salle de la première chambre de la cour d’appel de Paris sous le regard de la peinture allégorique de la justice, « une justice éclairée qui chasse le crime et l’hypocrisie et protège l’innocence ».

La salle même où Madame Zimmermann recevait, il y a 16 années de cela, nous les familles de victimes, avec toute la sollicitude et l’humanité dont nous lui sommes infiniment reconnaissants, et que nous ne retrouverons pas chez les juges d’instruction successifs indifférents à nos angoisses et nos attentes.

Que la boîte de Pandore s’ouvre enfin sur l’espérance, l’espoir en une justice qui sanctionne avec impartialité et rigueur les négligences et manquements des responsables de cette nuit funeste.

Il n’est pas envisageable qu’une parcelle d’impunité offre encore un terrain favorable à des multinationales aux pouvoirs tentaculaires, qu’elles soient enfin tenues coupables de leurs actes.

Madame la Présidente, la confiance que l’association « Entraide et Solidarité AF447 » a placée dans la justice ne s’est pas démentie.

Que la justice passe pour le respect, la dignité et la mémoire des 228 victimes, passagers et membres d’équipage, victimes d’un illusoire progrès et parfois de la suffisance de leur détenteur.

 Tels sont encore et toujours aujourd’hui l’objectif et le vœu de l’association « Entraide et Solidarité AF447 ». Que se referme cette trop longue page de doute, d’espoirs balayés, d’incertitudes et de douleurs.

Que l’on puisse dire enfin « justice est faite ! »

Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs de la cour, Mesdames et Messieurs les avocats, Mesdames et Messieurs, je vous remercie de l’attention que vous avez portée à mon témoignage au titre de l’association « Entraide et Solidarité AF447 ».

 

 

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