mercredi 19 novembre 2025

"Mon témoignage virtuel en conditions du réel" par Alain LE CARROUR

 

DÉCLARATION

                         Présentation                                                                       19/11/2025                                                                          

Mme la Présidente, Mme Mr les juges

Je m’appelle Alain LE CARROUR, j’ai 76 ans et je suis retraité de l’Armée de l’Air et de l’Aviation civile.

J’ai été pilote de Chasse et de transport militaire puis Pilote et Commandant de bord dans l’aéronautique civile, à Air Inter puis Air France, de l’Airbus A319 à l’A340.

J’ai été aussi sans interruption Représentant des personnels aux CHSCT-PN d’Air Inter puis d’Air France pendant 18 ans, de 1990 à 2008. Secrétaire pendant 3 ans, de 1997 à 2000.

Je suis conseiller technique bénévole de l’association E&S AF447 qui m’a fait citer comme témoin devant votre instance afin que je mette mon expérience au service de la manifestation de la vérité.

J’ai été le rédacteur de la proposition alertant Air France  sur le danger du mauvais  classement de la procédure STALL. Proposition votée par le Comité en mars 2002. Accompagnée d’une question en mars 2002 et relancée par une deuxième question en juin 2002. La motivation du refus actée en réunion puis confirmée par le Président par lettre au secrétaire le 15 octobre 2002 étant incohérente et incompréhensible Pièce N°1 

Mes présentations de 1° instance sont jointes à mon témoignage :

 Sondes Pitot  et Évaluation du risque et Diagramme de Reason

 Six observations préalables 

Cette audition étant orale et sans support matériel, sauf votre accord, je suppose que les éléments essentiels auxquels mes propos font référence figurent dans le dossier d’instruction. Si besoin, je les ai rassemblés dans une clé USB tenue à votre disposition.

J’ai transmis en 2011 et 2012 trois courriers à la Juge instruisant le dossier. A ma connaissance, sans suite sinon l’A/R.

Je joins ces  courriers à ma déclaration, en mettant les pièces jointes associées en continuation des textes des lettres.

  -Lettre du 9 Décembre 2011 avec les documents relatifs à la Proposition du CHSCT-PN. Pièce N°1  

  -Lettre du 27 janvier 2012 avec une étude technique de l’arbre des causes, synthèse de mon expérience et des éléments déjà connus relatifs à l’accident. Pièce N°2

  - Lettre du 9 septembre 2012 avec 1 CD contenant mes observations relatives au rapport final du BEA (lire la synthèse de mes observations) et la version électronique (PDF et XLSX) de mon étude technique de l'arbre des causes déjà transmise sous forme papier. 

dans nos métiers de navigants, le concept de « formation » comprend toujours 4 phases indissociables : la transmission magistrale des connaissances, l’entraînement, le maintien et la vérification des compétences.

comme mentionné dans son préambule, seul le « Manuel d’exploitation » est opposable à un navigant qui doit y trouver tout ce qui est nécessaire à l’exercice en sécurité de son métier dans son entreprise et qu’il est tenu de respecter.

Si elle le juge nécessaire l’entreprise y transcrit, les « dires  et écrits » de l’Autorité et du constructeur. J’ai joint l’extrait du Manuel d’utilisation relatif à la doctrine AF d’exécution des procédures. Pièce N°4 

Souvent d’inspiration anglo-saxonne, les Règlements de sécurité régissant l’aviation civile comprennent souvent la lettre et l’esprit. La lettre s’impose ; l’esprit est souvent écarté et traité comme une variable d’ajustement économique quand il s’agit de « gestion »* des risques. « Nous ferons le minimum requis ». Affirmation souvent entendue et qui clôt tout débat. Pour l’AF 447 s’agissant du classement du risque, n’a-t-on pas écarté l’esprit (l’impact sur les pilotes) pour éviter le classement « Unsafe » ?.

*on est passé au cours du temps et au niveau mondial de la « Sécurité des vols » à la « Gestion des risques » puis à l’ « Assurance qualité ». Une évolution sémantique pas anodine ni désintéressée, aux plans économique et financier.

En certification d’un nouveau produit, outre les connaissances déjà acquises, les analyses de risques, les études, les simulations, les essais, etc. il parait logique de raisonner aussi en probabilités d’occurrence acceptables ;

En suivi de navigabilité, lorsque le retour d’expérience fonctionne, en particulier quand un Commandant de bord, par ailleurs très qualifié, rapporte un cas vécu par lui et alerte sur un risque de sortie de domaine de vol, ce seul cas doit suffire à envisager le pire et à prendre immédiatement les mesures adéquates.

L’argument comptable de la « probabilité d’occurrence » ou du « cas d’espèce » est alors inacceptable, intolérable voire criminel. 

                                                               Faits et Analyse

Dans un premier temps, je souhaiterais exposer les 3 raisons pour lesquelles, d’après moi, Air France, en relation avec Airbus, a refusé de tenir compte de l’alerte de son CHSCT-PN.

Dans un second temps j’exposerai comment une réponse favorable à l’alerte du CHSCT-PN aurait certainement contribué à l’évitement de l’accident.

Enfin, je souhaite apporter des précisions issues de mes réflexions et de mon expérience sur des aspects techniques qui, parmi de nombreux autres, me semblent essentiels dans ce dossier. Je pourrai bien sûr, si besoin, développer mes observations sur ces sujets ou sur d’autres qui pourraient relever de mes compétences.

                    I-   Les 3 raisons expliquant le refus de la Proposition du CHSCT-PN

raison :-le coût de la création d’une « manœuvre d’urgence » supplémentaire :

-Parcours règlementaire ;

-Modifications documentaires ;

-Adaptation et certification des simulateurs ;

-Formation adéquate au sens supra : maintien et vérification des compétences  triannuel ;

-Possibilité de mise en évidence de baisse des compétences avec coût des remises à niveau voire des inaptitudes au poste.

2°raison : l'adhésion inconditionnelle au dogme originel d’Airbus : l’avion qui ne décroche pas

3° raison : La volonté obstinée et affichée d’Air France, de la DGAC et de certains parlementaires de réduire le périmètre de la mission des CHSCT et, en particulier, du CHSCT-PN d’Air France.

Outre les documents communiqués et joints, justifiant mon analyse, la compréhension de ce comportement nécessite un bref rappel de l’historique de ce CHSCT-PN d’Air France.

Pour les CHSCT en général tels qu’organisés par les Lois Auroux en 1982, le rapport du Conseil Economique et Social de 2002 (20 ans de CHSCT) fait référence.

En 1997 était réalisée la fusion Air Inter-Air France. Deux cultures d’entreprises fortes et différentes. J’étais secrétaire par intérim du CHSCT-PN d’Air Inter. Un Chef de Cabine Principal était le secrétaire de celui d’Air France.

Le Président du CHSCT-PN décida judicieusement de faire siéger les 2 CHSCT-PN ensemble pendant 6 mois puis en réalisa la fusion. J’ai été élu Secrétaire.

Au dire d’Inspectrice du travail, nous étions le plus grand CHSCT de France : 17000 travailleurs unis par un risque commun. Une « compétence universelle » pour tous les lieux où travaillaient et se reposaient des navigants de l’établissement en mission.

10 PNC et 8 PNT très motivés et solidaires, menant leur mission de représentants telle que définie par le Code du Travail et surtout « en équipage ». Ce à quoi j’étais très attaché.

Le 3 octobre 1998 la chute d’un Chef de cabine de la porte arrière d’un A310 et son décès, avec toutes les conséquences humaines et juridiques fut l’épreuve du feu de notre Comité et contribua beaucoup à sa cohésion et à sa motivation. Les relations et la coopération  avec son Président étant, alors très bonnes. Le Comité reçu même un « Awards ». Le Prix Laplace.

Le 25 juillet 2000 : Accident du Concorde. Le Comité décida de créer une commission d’enquête et me nomma rapporteur. Je quittais la fonction de Secrétaire.

La coopération de l’entreprise connut des hauts et des bas mais nous avons produit en date du 24 février 2003 un Rapport d’enquête très documenté que les autorités, en particulier judiciaires, ont considéré avec intérêt.

Dans les attendus de son arrêt, la Cour d’Appel de Versailles reprit in extenso et en le précisant la synthèse de notre rapport. Ceci n’a pas dû plaire à tout le monde.

Le 25 mai 2001 : Accident A340 à Cayenne. Nouvelle Commission d’enquête. Et nouveau rapport.

C’est dans cet environnement très chargé que j’arrivai enfin à initier la proposition relative à la procédure STALL.

Et c’est dans cette période que je situe le début du raidissement du comportement de l’entreprise vis-à-vis de son CHSCT-PN et la raison principale de son refus de notre proposition : la volonté d’Air France et de la DGAC de réduire le périmètre de la mission de notre Comité. Avec la complicité de la DGAC et de certains parlementaires.

Révélation de l’objectif. Ignorance des conséquences sur la Sécurité des vols.

Pièce N°1

1° Annoncé « OFF » comme une menace par Gilbert ROVETTO DG de notre établissement Opérations aériennes le 21-03-2005 avec  exhibition d’un projet d’Arrêté de la Direction des Relations du Travail de la DGAC. Signé Jean Denis COMBREXELLE DRT et Michel WACHENHEIM DGAC, numéroté mais non daté.

2° Puis un arrêté publié au BO mais non au JO. Daté du 5 octobre 2006 et signé   Jean 

 Denis COMBREXELLE  Directeur Général du Travail (DGT) et Michel WACHENHEIM DGAC,

3°-Puis un cavalier législatif en 2009. Rejeté.

4°-L’obstination d’Air France à ne pas donner au CHSCT-PN l’accès aux données ASR (350 à 400 évènements en exploitation par mois) et CRASDAB (incidents et accidents du travail survenus à bord) et, en général, l’entrave au fonctionnement normal du CHSCT-PN qui firent l’objet de recours devant le TGI en 2007 et 2009.

Air France réussit en partie à atteindre son objectif d’affaiblissement de l’instance gênante. Pour le renouvellement de 2008 une réorganisation des établissements de la DGOA amena la création de 3 CHSCT distincts  (PNT, PNC, SOL) et donc la fin de la mission en équipage.

NOTA : Ce comportement se poursuivit bien après l’accident de l’AF447, la fin de mes fonctions de Représentant et mon départ en retraite fin 2009.

Ainsi, en 2017 et 2018, alors que des incidents graves se déroulaient à BOGOTA, malgré 3 DGI, une injonction de l’Inspection du Travail et une citation directe devant le TGI, Air France s’obstina à différer  les mesures urgentes que, sans contestation possible, la Sécurité des vols imposait.

Je joins un projet de conclusions d’avocat, non pour les aspects juridiques mais pour la relation très pertinente et très utile des faits.

Et pour répondre par anticipation à certains arguments qui pourraient tenter d’atténuer l’action du CHSCT-PN et la gravité de son alerte je rappelle que :

-de par ses prérogatives données par le Code du travail, le Comité « signale » un risque. Il dispose pour ce faire de plusieurs moyens, parfois chronophages et énergivores, et choisit en fonction de ses possibilités du moment. Le CHSCT-PN d’Air France a ainsi inscrit 16 avis de danger grave et imminent (DGI) sur le registre adéquat entre 2004 et 2008.

-Le 2 août 2005 eut lieu l’accident de TORONTO. A cause du manque de coopération d’Air France, le CHSCT-PN n’a pas été en mesure de clôturer son enquête et de produire un rapport. Peut-on en conclure que les 309 miraculés n’ont pas subi un « accident » ?

II-Conséquences : si Air France n’avait pas refusé la Proposition du CHSCT-PN

Sur décision du CHSCT-PN, une enquête de sécurité paritaire voire une expertise externe auraient été activées.

Une réflexion proactive dans l’esprit du Manuel de Prévention des accidents de l’OACI, puis réactive après les premiers retours d’expérience comme l’incident grave de la TAM de 2003 aurait été menée.

Les erreurs, les carences, les faiblesses, les risques ignorés auraient été révélés. L’enquête ou l’expertise aurait certainement mis en évidence et bouché les trous des plaques de Reason révélés a posteriori par l’instruction judiciaire sur l’accident et les séances de simulateur mises en place  En particulier :

-la perte de conscience du risque STALL, nié depuis l’origine par le constructeur ;

-le classement de la procédure non conforme à la doctrine de la Compagnie ;

- les situations à risque  envisageables ;

-le déficit de formation ;

-le déficit d’information, les lacunes dans les connaissances diffusées et enseignées suivant le principe du « need to know » et « nice to know » cher à Airbus.

Par exemple, la consigne de descente de 4000 pieds donnée en 2011 par Jacques ROSAY

Les séances de simulateur introduites avant l’accident auraient rapidement révélé :

-l’Inadaptation des simulateurs à certains modes dégradés de commandes de vol et au STALL ;

-l’importance de l’effet de surprise et du sursaut réflexe. Action de « sursauter ».

Une conférence Startle and surprise management tenue à SOESTERBERG en 2019 fait référence. Le cas de l’accident Qantas des diapositives 17 et 18 et la synthèse du Captain illustrent parfaitement les problèmes posés par cette génération d’avions AIRBUS et leurs procédures. 

-l’éventuelle dégradation de la compétence des pilotes dans le pilotage manuel, en particulier en haute altitude et dans les lois de pilotage dégradées.

-l’inadéquation des procédures en vigueur (STALL, IAS DOUTEUSE, etc.)

-la méconnaissance de caractéristiques technologiques importantes de ces avions dits de nouvelle génération et entre-autres de leurs différents modes de commandes de vol.

Conclusion : l’acceptation par Air France de la proposition du CHSCT-PN, l’analyse des risques par celui-ci, éventuellement renforcée par une expertise auraient certainement mis en évidence avant l’accident l’essentiel de ce que les enquêtes externes et l’action judiciaire ont mis en évidence après l’accident.

NOTA : Air Caraïbe a donné un excellent exemple de réactivité en exploitant rapidement le retour d’expérience et en mettant en œuvre des premières mesures efficaces ;

A Air France, les séances de simulateurs introduites très rapidement après l’accident.

Moins de 3 mois après l’accident, la note organisant la séance de simulateur « IAS Douteuse » et la lettre d’envoi de Francis CLAR sont aussi riches d’enseignements sur ce qu’il aurait fallu faire avant l’accident.

Elles nous révèlent essentiellement :

1°-qu’à ce moment-là, les incidents graves précurseurs et les messages ACARS envoyés à la DM permettaient déjà d’imaginer ce qui s’était passé. Ce qui interroge aussi sur la stratégie de recherche du lieu de l’accident.

-que l’Autorité et Air France se posaient enfin des questions sur la compétence des pilotes confrontés à ces situations à risque catastrophique, leur formation et leur information ;

-que dans la lettre et dans la note il n’est jamais fait mention d’un mode ALT2B de commandes de vol. Parce qu’à ma connaissance il n’est pas simulé. Et que donc, malgré cette séance, les pilotes ne sont pas entraînés à ces sensations de pilotages inhabituelles et déroutantes lorsque les gains des automatismes sont figés à 330 nœuds en mode ALT2.

On peut donc légitimement douter de l’avis donné par les différents experts qui ont conclu à la facilité de ce mode de commandes de vol. Ils ne l’auraient pas réellement éprouvé au simulateur.

S’agissant des experts et des avis donnés après vols réels, vu les « bricolages » avec les ADR et les divergences entre BEA et Experts judiciaires (2 ADR ou 3 ADR) on peut aussi légitimement douter de la réelle configuration évaluée. A l’exception bien sûr de la présence d’une installation d’essais permettant effectivement d’enregistrer la valeur des gains.

4°-qu’en vol stabilisé en altitude, la procédure « IAS DOUTEUSE » est inadéquate ;

-qu’à ce moment-là, et bien avant la consigne de Jacques ROSAY en 2011, Air France savait que, confronté à cette panne, il fallait descendre. Pas nous, les pilotes.

- que pour un équipage non formé (formation comprise au sens rappelé supra) la perte de toutes des informations de vitesse est du niveau de gravité d’un feu à bord.

-en 31 pages, ALT2 B, les GAINS, le TRIM PHR: on n'en parle pas

 -les PHC sur "ON". On en parle.

9° les « UNDUE  STALL WARNING », on en parle.

III-Autres observations importantes

1- Ergonomie des avions AIRBUS dits de « Nouvelle technologie » : depuis le début de leur exploitation et les premiers retours d’expérience dont plusieurs accidents, leurs particularités parfois dangereuses sont parfaitement identifiées.

L’adaptation des opérateurs à leur utilisation en sécurité nécessite une solide formation au sens supra et beaucoup de précautions. Cela a un coût.

Dès Air Inter et suite à plusieurs incidents graves (toucher de queue sur double pilotage, blessure PNC en vol etc..) nous avions convenu avec un collègue cadre et pilote d’essais ayant participé à la certification et à propos de ces commandes de vol électriques

CDVE: « géniales sur action réfléchie, dangereuses sur action réflexe ».

Toutefois, le BEA vient de produire une étude très conjoncturelle qui semble conclure, en particulier en cas de pilotage simultané des 2 pilotes, que le danger présenté par les CDVE est de même niveau que celui présenté par les commandes de vol classiques.

Cela nous rassure.

Mon collègue pilote d’essais me dit une autre fois à l’occasion de la découverte d’une grave erreur de conception  (fausse redondance entre équipements) « qu’il était sidéré de voir ce qu’ils avaient loupé ».

Pour un A320 dans lequel j’avais dénombré 145 calculateurs, 195 micro-processeurs, probablement autant de logiciels et 650 procédures, ce constat était compréhensible.

Sans plus développer ce sujet, je l’illustre par 3 documents communiqués :

 

en 1990, le texte prophétique d’un tract du syndicat « SPAC » que présidait Etienne LICHTENBERGER

en 2019les propos de Monsieur Jean PINET reçu à l’Aéroclub de France.  

 « Il y a 40 ans, nous avons fait l’erreur de penser que les automatismes et les procédures allaient résoudre tous les problèmes ».

en 1993, mes écrits historiques que je n’avais pas prévu de communiquer mais qu’un livre récent a intégré avec mon accord (page 485). La Cour aurait souhaité sa communication par l’auteur. Écrits côtés par le Juge instruisant l’accident du Mont-Ste-Odile.

2- ALT2B et GAINS

Dès les premiers rapports relatif à l’accident de l’AF447 un rideau de fumée a été introduit.

Le mode ALT2B des commandes de vol. Terme inconnu de moi, de la documentation Air France, de la documentation et du cours VACBI d’AIRBUS, de la Note Air France relative à la séance « IAS DOUTEUSE ». Apparu dans le rapport du BEA, dans sa partie « analyse » et non dans « les faits ». Ceci serait non conforme à la méthode de travail du BEA.

Appellation ALT2B reprise par tout le monde pendant 16 ans. Les GAINS, on oublie.

Derrière le rideau de fumée : les GAINS et leur rôle essentiel dans le cas de l’AF447.

Rappel simplifié d’automatisme : en général, dans un asservissement la commande de l’opérateur (ici, pour le tangage, la position du manche demandant un facteur de charge ou directement un braquage gouverne en loi directe) va obtenir une réponse (ici le braquage d’une gouverne de profondeur et du PHR pour obtenir le facteur de charge et donc l’évolution souhaités).

 Pour devenir « réponse », la demande subit plusieurs opérations (mécanique, électrique, digitale, hydraulique,….). L’imprécision inévitable de la réponse  est réduite au fur et à mesure grâce à une boucle de retour et de retraitement de l’erreur (feedback).

L’opération globale est représentée algébriquement par une équation à plusieurs membres représentant la position souhaitée, la vitesse de rejointe de la position, l’erreur finale et l’amortissement acceptés.

A chaque membre de l’équation est associé une variable réglable en fonction de paramètres choisis (ici la vitesse, la configuration de l’avion, etc.. et  le mode de commandes de vol actif).  Ces variable réglables sont appelés GAINS.

Pour les Airbus A330, 18 cas de pannes de systèmes entraînent un changement de mode de commandes de vols. Un défaut ou une panne affectant toutes les informations de vitesse entraîne le passage en mode de commandes de vols ALT2 et les gains sont figés pour une vitesse de 330 nœuds. Si une vitesse reste valide, on sera en ALT2 avec gains adaptés à cette vitesse

En ALT2 dite B (avec gains figés) les 3 axes et les sensations de pilotage sont affectés.

-longitudinalement (profondeur) : si la vitesse réelle est inférieure à 330 nœuds, mollesse et inertie ;

-inclinaison (gauchissement) : passage en loi directe. Taux de roulis augmenté. Avion plus nerveux qu’en mode normal habituel.

-dérapage (lacet) : amortissement limité mais surtout perte de la coordination en virage.

Nécessité d’utiliser le palonnier pour accompagner l’inclinaison. Réflexe naturel acquis dès l’aéroclub mais oublié depuis longtemps sur ces avions pilotés 99,99 % du temps en Loi normale. Très déstabilisant pour l’avion (qui « se refuse » et se balance latéralement) et le pilote (qui ne sait plus pourquoi).

Tous les automaticiens et les cogniticiens savent que :

Quand à une consigne habituelle un opérateur n’obtient pas la réponse habituelle, il est immédiatement déstabilisé.

Sauf les pilotes d’essais qui sont formés pour cela. Pas les pilotes de lignes à ce jour

3° Le MACH : paramètre fondamental en aérodynamique dès que les vitesses de vol deviennent importantes et que l’air ne peut plus être considéré comme incompressible.

Rapport de la vitesse de l’avion  et de la vitesse du son dans l’air du lieu.

Dans son rapport, le BEA montre très bien comment le MACH est calculé sur A330-200.

Elaboré par les calculateurs ADIRS, alimentés par les sondes PITOTS.

Le constructeur introduit ce que le tableur Excel nomme une « Référence circulaire »

Le MACH est élaboré à partir des pressions statiques et totales (Ps et Pt) mais cette pression Ps est corrigée… en fonction du MACH. Comprenne qui pourra.

4°Alarme STALL et incidence : Le seuil de déclenchement de l’alarme STALL est calculé par les ADR en fonction du MACH.

Si les vitesses sont fausses, le MACH est faux et les seuils de l’alarme aussi.

Donc dans ce cas, ce n’est plus règlementairement une alarme.

Je crois avoir compris (mais je ne suis pas sûr) que les sondes d’incidences alimentent les ADR qui élaborent l’incidence distribuée. Mais je ne sais pas si, comme pour les autres paramètres dont le seuil, le MACH intervient.

Le pilote n’a pas directement accès à l’information d’incidence.

AIRBUS prétend que le pilote a l’information sous les yeux sur l’écran PFD. C’est vrai, si la fonction FPA est sélectée et donc le vecteur vitesse apparent (Bird). Et si le cerveau du pilote est capable instantanément et de façon continue d’appliquer et de visualiser la formule

A-P=I soit Assiette moins Pente égale Incidence

AIRBUS sait faire. Moi non.

D’autre part, comme pour simplifier, le vecteur vitesse inertiel a besoin pour son élaboration d’une information d’altitude valide. Et si la Ps élaborée en fonction du MACH n’est pas bonne ?

ADR : dans l’architecture de ces avions, et pour certaines fonctions, AIRBUS a fait le choix de la redondance de calculateurs identiques avec des algorithmes de vote pour le choix des données à utiliser. C’est le cas des 3 ADR.

Un film futuriste de Stephen SPIELBERG aborde cette problématique : « Minority report »

5° PHR, TRIM automatique et gouverne de profondeur : autre rideau de fumée mis en place après l’accident. Voir mon étude 

6°Procédure « IAS DOUTEUSE » : voir mon étude 

7° Procédures et mises à jour de l’ECAM par AIRBUS : la procédure que je joins et qui apparaît dans le QRH semble montrer que la panne de 3 ADR n’était pas réellement envisagée par AIRBUS ou que la place disponible pour la mise à jour informatique était insuffisante.

1 commentaire:

  1. Administrateur du blog19 novembre 2025 à 06:49

    Monsieur Alain Le Carrour devait témoigner devant la Cour d’appel de Paris ce 19 novembre. Les avocats ont renoncé à son témoignage. Voilà pourquoi il est qualifié de « virtuel en conditions du réel ».

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