lundi 24 novembre 2025

Témoignage de Patrick LAYRISSE. 20 octobre 2025. Cour d'appel de Paris

 Patrick Layrisse a présenté ce diaporama devant la Cour. Le voici au format PDF.




 Pour accompagner ce diaporama, voici l'analyse de Patrick suite au jugement correctionnel de 2023 :

« Je considère que cet accident a deux points clés : les sondes Pitot et l’absence de Protection Basse Vitesse. Le cas des sondes Pitot a été très bien traité par les conseillers techniques.

Airbus s’appuie sur deux points :

·       Les conditions spéciales ne s’appliquent qu’en loi normale.

·       L’application de la procédure IAS Douteuses suffisait à maintenir l’avion en sécurité.

Il faudrait beaucoup de temps pour démonter un par un les arguments d’Airbus. A travers ce diaporama j’ai essayé de faire ressortir l’essentiel. Il n’est qu’un support, la trame des explications verbales.

Somme des arguments, hors dossier historique des sondes Pitot :

  • ·      Panne sondes Pitot identifiée par l’autosurveillance, adressée au sol par ACARS mais pas aux pilotes à la suite du classement par Airbus de cette panne en Classe 2.
  • ·       Erreur altimétrique qui incite le pilote à tirer sur son mini-manche pour corriger l’erreur.
  • ·       Absence du message ECAM NAV ADR DISAGREE pourtant classé prioritaire par le BEA (2ème après le MSG AP).
  • ·     Loi de pilotage Alternate 2 : aucune information aux pilotes de ses particularités, perte de l’homogénéité par accélération du taux de roulis et diminution du gain en tangage.
  • ·    Message ECAM F/CTL qui apparait 2 secondes corrélant avec les effets ressentis aux commandes pour orienter vers une panne des commandes de vol.
  • ·        Message ECAM (5 s) AUTO FLIGHT + F/CTL donnant à penser à une panne de calculateurs.
  • ·      Message ECAM (4s) ENG THRUST + F/CTL donnant à penser à une conséquence d’une panne de calculateurs
  • ·      Message ECAM (4s) ENG + AUTO FLGHT + F/CTL orientant vers une panne complexe des calculateurs.
  • ·         Message ECAM (5s) AUTO FLIGHT + F/CTL + F/CTL
  • ·     Trajectoire maitrisée (inclinaison) action du PF à piquer sans effet en raison du gain qui rend inefficace l’action sur la profondeur. Caractéristique inconnue car jamais publiée par le constructeur.
  • ·     5 fois en 50 s le FD donne des ordres à cabrer contraires à la réalité de la situation.
  • ·      Alors que la vitesse est minimale :

-  Le SPEEDTREND informe d’une forte accélération

-  Le FD donne un ordre à cabrer

-  L’AutoTrim cabre le PHR jusqu’à sa butée.

  • ·      L’avion sort du domaine de vol et décroche.
  • ·    Les pilotes d’essai n’ayant pas décroché l’avion aux essais en vol les procédures STALL RECOVERY et STALL WARNING sont un vœu pieu, personne ne sait si un Airbus A330 peut sortir d’un décrochage.
  • ·      La loi de pilotage par facteur de charge est active en ALTERNATE LAW 2 entrainant de fait une Stabilité Longitudinale Neutre.
  • ·      Du fait des conditions spéciales un avion en Stabilité Neutre doit être pourvu de protection basse vitesse.
  • ·       L’A33O n’est pas pourvu de cette protection qui aurait permis d'éviter l’accident.

123 pages (du jugement) de lecture plus loin le leitmotiv d’Airbus est que si l’équipage avait appliqué la procédure IAS Douteuse il n’y aurait pas eu d’accident.

Airbus a placé l’A330-200 AF447 dans une situation d’IAS Douteuses qui a en soi toutes les conditions essentielles à sa réalisation : la procédure appliquée l’avion serait sorti indemne des conséquences du givrage quasi-simultané des 3 sondes Pitot.

Du virtuel airbusien de l’AF447 il faut plonger dans le monde du réel.

·       Airbus a fait le choix de ne pas informer les pilotes de la panne des sondes Pitot et de ne leur communiquer l’information de cette panne qu’une fois au sol. (Classe 2 au lieu de classe 1)

·       Une succession de message ECAM où apparait F/CTL orientant les pilotes vers une panne des commandes de vol, le temps d’affichage des messages très court (2 à 5s) ne permettant pas la lecture et le traitement.

·       Dans le même temps les pilotes ont constaté que l’avion quittait sa trajectoire (virage à gauche et mise en descente) et le PF a réagi en conséquence.

·       Airbus a fait le choix de ne pas informer les pilotes des particularités de la loi Alternate 2. Ils ne pouvaient savoir que le taux de roulis est pratiquement doublé, (25°/s au lieu de 15°/s) et qu’un gain différent est appliqué en tangage, l’ensemble détruisant l’homogénéité des réactions.

·       Dans le même laps de temps, en 5 secondes, 28 éléments sont venus bouleverser l’écran de pilotage, le PFD.

·       Les réactions disparates aux commandes et les messages F/CTL sur ECAM ont dû dès lors monopoliser les ressources et orienter leur réflexion vers une panne globale à l’origine incompréhensible.

·       L’avion a décroché parce que Airbus n’a pas pourvu la loi Alternate 2 d’une protection anti-décrochage. Cette protection est exigée pour tout avion à la Stabilité Longitudinale Neutre, et l’A330 en Alternate Law 2 est en stabilité neutre.

·       Pourvu de cette protection l’avion n’aurait pas décroché, il n’y aurait pas eu d’accident.

Tout s’est passé très vite : 50 secondes.

50 secondes contre ces 123 pages du jugement qui se rajoutent aux centaines de pages de 13 années d’enquêtes et de procédures.

En conclusion, il ne faut pas étudier cet accident en miroir d’une situation théorique telle que celle pratiquée en entrainement au simulateur, mais dans la réalité de la situation vécue par l’équipage de l’AF447, où les informations de pannes essentielles n’ont pas été fournies, où les caractéristiques de réversion des commandes de vol n’étaient pas connues, où l’avion n’était pas équipé d’une protection anti-décrochage exigée pour un avion en stabilité neutre. »

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