Ce scénario restitue de manière cohérente les enchaînements opérationnels et techniques qui ont conduit à l’accident du vol AF447. Il met en évidence les facteurs déterminants, tant du point de vue de la conception que de la prévention des risques.
Risques anticipables sous-estimés
Le risque lié à une perte totale de l’indication de vitesse consécutive au blocage simultané des trois sondes Pitot Thalès AA est sous-estimé par le constructeur lors de sa réévaluation en novembre 2008.
Le vol AF447 est équipé de sondes Pitot Thalès AA vieillissantes et obsolètes dont l’enveloppe de certification ne couvre pas tout le domaine de vol de l’A330.
Il pénètre dans une zone où le risque de blocage des sondes Pitot est élevé. Les pilotes n’ont pas les moyens de situer cette zone et de l’éviter.
Les 3 sondes Pitot se bloquent. Conséquence : perte des vitesses.et passage en loi de commande de vol ALT2 dite B sans protection d’incidence ni auto-trim limité.
Enchaînement des effets.
Les messages ECAM successifs ne permettent pas un diagnostic clair et rapide de la situation.
Les pilotes sont dans l’incompréhension de ce qu’il se passe et sont confrontés à une multiplication de signaux ambigus :
· Les fausses indications de l’altimètre et du variomètre incitent certainement le pilote à tirer sur le manche pour rejoindre le niveau de vol jamais quitté.
· Les barres de tendance du directeur de vol sont apparentes 27 secondes sur les 50 qui s’écoulent entre le désengagement du pilote automatique et la sortie du domaine de vol exploré et transmettent régulièrement des consignes à cabrer jusqu’au décrochage.
· La Speed Trend indique une accélération pendant quelques secondes avant et après la sortie du domaine de vol connu.
· Le gain longitudinal fixé à 330Kts fournit à l’A330 l’équivalent de la nervosité d’une 2CV en tangage tandis que la commande de roulis a acquis l’équivalent de la nervosité d’une formule 1.
· L'alarme décrochage dysfonctionne lors des premières alarmes incomplètes en raison des trois Mach inférieurs à 0,3 et ne répond donc pas à sa définition.
Déclenchement du décrochage irréversible
- Le PHR commence à cabrer vers sa butée 3 secondes avant la sortie du domaine de vol exploré, réduisant l’efficacité de la profondeur.
- La première alarme STALL WARNING complète retentit, trop tard.
- Le pilote applique poussée TOGA conformément à la procédure, générant un couple cabreur supplémentaire.
- L’incidence augmente jusqu’à 40° de façon irréversible.
- L’A330 entre en décrochage profond et devient irrécupérable.
Conclusion
L’accident du vol AF447 ne résulte pas d’une erreur ponctuelle, mais d’une chaîne de vulnérabilités multiples, interconnectées et évitables :
- Techniques : capteurs défaillants, automatisation non adaptée, lois de pilotage dégradées
- Humaines : information et formation insuffisantes,
- Systémiques : lacunes dans la certification, le suivi de navigabilité et l’intégration du retour d’expérience
Chaque maillon de cette chaîne représentait une occasion manquée de prévenir l’irréparable. Des solutions existaient, connues ou envisageables, mais n’ont pas été mises en œuvre à temps.
Cet accident aurait pu être évité par une action concertée, proactive et responsable des acteurs du système aéronautique : constructeur, compagnie aérienne, autorités de certification et de suivi de la navigabilité, organismes de prévention.
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