Après l’accident
Lorsque le 1er juin 2009 à 02h10.05, l’équipage du vol AF 447 récupère brutalement son A330 en pilotage manuel pendant la traversée d’une zone de cristaux de glace non signalée lors la préparation du vol, semblable à celles qui ont précédemment provoqué 28 cas de blocage des sondes Pitot Thalès AA, il se retrouve dans une situation dangereuse, très complexe et extrêmement dégradée qui se développe dans un laps de temps très court, caractérisée par une incompréhension de ce qu’il se passe et une charge de travail excessive. L’absence de protection de vitesses et le fonctionnement inapproprié de L’ECAM, du directeur de vol, du PHR, de l’alarme décrochage, du Speed Trend, de l’altimètre, du variomètre… précipitent l’avion, les passagers et l’équipage dans un piège mortel.
En l’espace de 49 secondes, l’A330 sort du domaine de vol connu en décrochage profond : 228 morts.
4 juin 2009 : Airbus rappelle aux pilotes la procédure à appliquer en cas d’incohérence des vitesses mesurées. C’est celle qu’Airbus reconnaissait être difficile à appliquer en septembre 2008 dans le rapport de la compagnie ACA (déjà cité)
9 juin 2009 : L’EASA affirme : « Nous confirmons que l’Airbus A330 et tous les autres types d'avions Airbus sont en état de navigabilité et sûrs à exploiter ». L’EASA recommande dans un bulletin de sécurité que les pilotes aient un entraînement adéquat. Les pilotes du vol AF 447 ne l’avaient pas eu.
25 juin 2009 : Dès le début des recherches de l’épave, le BEA savait que l’A330 avait décroché. Pourtant, le BEA a refusé l’option du décrochage dans les recherches de l’épave et privilégié le choix impossible de « la vitesse horizontale maximale de l’avion ». Un avion qui tombe à plat ne peut pas avoir une vitesse horizontale maximale.
10 août 2009 : L’EASA et Airbus procèdent en urgence à l’élimination de la sonde Pitot Thalès AA. Pour cela, l’EASA diffuse une consigne de navigabilité utilisée pour, selon la réglementation en vigueur, remettre l’A 330 à un niveau de sécurité acceptable et éliminer une « unsafe condition ».
31 août 2009 : l’EASA entreprend la modification des normes de certification des sondes. C’est une « priorité de sécurité ». L’Agence confirme ainsi qu’elle a bien commis une erreur en ne modifiant pas ces normes avant l’accident. Elle avait fait le constat de la nécessité de cette modification en 2007 après le BFU en 1999 et Airbus en 1995. Les anciennes normes sont remplacées par de nouvelles.
4 septembre 2009 : Airbus tente d’influencer la FAA afin que celle-ci précise que l’élimination de la sonde AA est une mesure de précaution. La FAA ne donne pas suite
8 septembre 2009 : La FAA procède en urgence à l’élimination de la sonde Pitot AA en précisant que c’est la réponse à une « unsafe condition »
20 octobre 2009 : Les responsables d’Air France prennent tardivement les mesures qu’ils jugent nécessaires pour pallier le défaut des sondes Pitot
30 novembre 2009 : l’EASA propose une modification du document CS‐25. Parmi ces modifications, la perte de toutes les informations de vitesses devient un risque Catastrophique.
30 novembre 2009 : Déclaration de Florence Rousse, Directrice de la sécurité de l’aviation civile sur Europe N°1 le 30 novembre 2009 à propos de la base de données ECCAIRS (échange d’informations de sécurité entre les États européens) : « qu’est-ce qu’on va faire d’une base de données aussi grosse pour qu’on puisse réellement en tirer une utilité. Aujourd’hui, je ne suis pas sûr qu’on le sache vraiment »
17 décembre 2009 : Dans son rapport N°2, le BEA ose affirmer que c’est l’analyse des événements liés au blocage des sondes Pitot réalisée après l’accident qui a montré que les tests destinés à la validation de ces équipements ne paraissaient pas adaptés aux vols à haute altitude. Le BEA veut nous faire croire que les normes de certification des sondes Pitot sont « apparues » obsolètes après l’accident du 1er juin 2009. C’est un mensonge car le BEA ne peut pas ignorer que ce constat avait été fait par Airbus en 1995, par le BFU en 1999 et par l’EASA en 2007
Février 2010 L’EASA entreprend l’étude de la recommandation du NTSB A-96-56 (voir plus haut août 1996) qui demandait que les constructeurs donnent aux pilotes les moyens de déterminer avec certitude quand ils sont dans des conditions de givrage qui excèdent les limites de la certification de leurs avions. Mieux vaut tard que jamais
12 mai 2010 : Airbus modifie la procédure de décrochage, crée une procédure de récupération de perte de contrôle de l’avion et recommande l’entraînement des pilotes dans ce domaine
12 août 2010 : Rapport sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur les enquêtes et la prévention des accidents et des incidents dans l'aviation civile. Le rapporteur affirme : « personne n'est chargé d'analyser les données contenues sur ECCAIRS au niveau européen. »
Janvier 2011 : Dans le N°11 de « The Airbus safety Magazine », Jacques ROSAY affirme que l’affichage de la poussée maximum en action initiale, ainsi que le voulait la procédure de sortie de décrochage avant sa modification, peut rendre l’A330 irrécupérable
17 mars 2011 : Airbus et Air France sont mis en examen pour homicides involontaires
Juin 2011 : Thierry Mariani, sous ministre des transports déclare : « La responsabilité dans l’accident du Rio-Paris, en juin 2009, revient à 5% à l’avion et à 95% à l’équipage. »
28 juillet 2011 : Dans un « Safety Information Bulletin », l’EASA informe les exploitants que les normes retenues pour la certification des avions en condition de givrage ne prennent pas en compte certains phénomènes comme les cristaux de glace ou les pluies verglaçantes. De façon pratique, cela signifie que les équipements de protection contre le givrage (notamment des sondes Pitot) peuvent ne pas convenir à toutes les conditions qui se présentent. L’EASA recommande que les compagnies aériennes réexaminent les procédures en vigueur et, si nécessaire les modifient ou les mettent au point. Voir la recommandation du NTSB en août 1996.
18 juin 2012 : dans une info Sécurité des Vols Air France affirme à propos de la perte de contrôle en vol que, dans ces conditions, « sur d’avions FLY BY WIRE, il se révèle parfois difficile pour l’équipage de réagir avec pertinence » et que « en raison de leur configuration aérodynamique les Airbus ne feront probablement pas d’abattée ». Personne ne sait comment ce type d’avion décroche et ce qu’il faut faire et ne pas faire pour en sortir.
4 juillet 2012 : Le BEA publie son rapport final. Le défaut des sondes Pitot Thalès C16195AA est décrit par le BEA dans son rapport page 42 : « les conditions d’utilisation de cette sonde peuvent dépasser les conditions de qualification et de robustesse. /…/. ». Le vol au niveau 350 était en dehors de l’enveloppe de certification et la capacité d’antigivrage et d’évacuation par les trous de purge de ce type de sonde était insuffisante : les 3 sondes se sont bouchées.
31 juillet 2012 : La NASA publie son expertise de l’accident du vol AF 447 et confirme une défaillance systémique
27 novembre 2012 : L’EASA propose une nouvelle modification du CS25 notamment pour la certification des avions en condition de givrage par les cristaux de glace.
14 janvier 2013 : Dans une AD concernant le B737, la FAA réaffirme que la perte des informations de vitesses est un risque « catastrophique » pouvant entraîner la sortie du domaine de vol.
22 janvier 2013 : L’EASA publie un Bulletin de sécurité concernant l’entraînement au décrochage : « Un programme de formation efficace sur l'approche et la sortie de décrochage devrait fournir aux pilotes les connaissances et les compétences nécessaires pour éviter les états indésirables de l'avion qui augmentent le risque de rencontrer un événement de décrochage ou, s'ils ne sont pas évités, pour réagir correctement et rapidement. »
29 octobre 2014 : À la suite nombreux cas de pertes d’indications de vitesse, l’EASA impose le remplacement des sondes Pitot de type Thales AA et BA par des sondes Pitot de type Goodrich afin d’améliorer le niveau de sécurité des A320 équipés de ces sondes. Les sondes Thales se bloquent dans les zones de fort givrage, de pluie intense ou en présence de cristaux de glace à haute altitude.
12 mars 2015 : Dans une décision de l’EASA modifiant l’enveloppe de certification des sondes Pitot, il est spécifié que les avions ne pouvaient pas voler en toute sécurité selon les anciennes normes en vigueur lors de l’accident.
29 septembre 2015 : Dans un Bulletin de sécurité (SIB), l’EASA fait enfin les recommandations utiles 6 ans après l’accident… L’EASA recommande avec vigueur d’informer et/ou d’entraîner les pilotes le plus rapidement possible, et régulièrement ensuite, sur les points suivants :
1. Principes fondamentaux de la mécanique du vol concernant le vol à haute altitude, proximité relative du Mach critique et du décrochage, comportement de l’avion en tangage, incidence de décrochage réduite par rapport au vol en basse altitude.
2. Interaction de l'automatisation (AP, FD, ATHR) et conséquences des pannes induisant la déconnexion de l'automation.
3. Conséquences de l’incohérence des vitesses mesurées à haute altitude et nécessité pour l'équipage d'identifier rapidement la panne et de réagir de façons appropriées sur les commandes de vol pour maintenir l'avion dans son domaine de vol.
4. Dégradation des lois / modes de contrôle de vol pour les avions FBW (tel que l’A330) et ses conséquences sur la stabilité de l'avion et les protections des enveloppes de vol, y compris les alarmes de décrochage.
5. Entraînement pratique, à l'aide de simulateurs appropriés, au pilotage manuel à haute altitude pour tous les pilotes dans les lois / modes de vol normaux et dégradés, avec un accent particulier sur le buffet pré-décrochage, l'angle d’incidence de décrochage réduit par rapport au vol à basse altitude et l'effet des actions sur les commandes de vol en tangage sur la trajectoire de l'avion et son énergie.
6. Exigence d'appliquer rapidement et avec précision la procédure de récupération de décrochage, telle que fournie par le constructeur de l’avion, à la première indication d'un décrochage imminent.
7. Procédures de prise en compte et de transfert du contrôle manuel de l'avion, en particulier pour les avions type FBW avec des mini manches latéraux indépendants.
8. Répartition des tâches et coordination équipage dans des conditions de charge de travail et de contraintes élevées avec annonces appropriés pour confirmer les modifications apportées à la loi ou au mode de contrôle de vol de l’avion.
Les pilotes de vol AF447 n’avaient pas eu toutes ces informations et tous ces entraînements.
Page 1 de ce SIB on pouvait lire : « Le fait que les pilotes ne reconnaissent pas et ne réagissent pas correctement à une indication de vitesse peu fiable peut entraîner une perte de contrôle. »
Cela a ensuite été corrigé quelques jours plus tard pour devenir : « Le fait que les pilotes ne reconnaissent pas et ne réagissent pas correctement à une indication de vitesse peu fiable peut entraîner une perte de contrôle, en cas de réaction inappropriée de l'équipage. »
27 mars 2018 :Amendement du CS 25 (document de base de la certification des avions). L'AMC 25.145(a) recommande désormais que lorsque les avions sont équipés d'une fonction automatique de compensation, le déplacement du PHR vers la position "cabré" soit limité avant l'activation de l'alarme décrochage pour empêcher un débattement excessif et permettre la reprise du contrôle de l'avion. L'EASA explique qu'il n'est pas nécessaire de rendre obligatoire cette limitation du déplacement à cabrer du PHR pour les avions en exploitation, les coûts seraient trop importants. Cette modification du CS 25 s'applique donc uniquement aux nouveaux avions.
29 août 2019 : Les juges Nicolas AUBERTIN et Fabienne BERNARD ordonnent un non-lieu. Les familles des victimes font Appel.
12 mai 2021 : La Chambre de l’instruction de Paris renvoie Airbus et Air France en correctionnelle
10 octobre au 08 décembre 2022 : procès au tribunal correctionnel de Paris
17 avril 2023 : Le jugement relève qu’Airbus et Air France ont commis des fautes d’imprudence et de négligence mais ils sont relaxés. Le Procureur Général de Paris fait Appel.
29 septembre 2025 : Début du procès en Appel
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